extrait et analyse de « Les noms des oiseaux expliqués par leurs mœurs ou Essais étymologiques sur l’ornithologie » par Marc le Maire
L’abbé Vincelot était enseignant à Angers vers 1870. Il aimait les oiseaux, en particulier les chouettes et il se souciait des agriculteurs. Voici ce qu’il écrivait dans son livre « Les noms des oiseaux expliqués par leurs mœurs ou Essais étymologiques sur l’ornithologie »:
« Je termine ce travail sur les rapaces nocturnes en joignant ma voix à celle de tous ceux qui ont étudié les mœurs de ces oiseaux, pour réclamer contre l’ingratitude des propriétaires qui poursuivent à outrance et détruisent, par tous les moyens possibles, des auxiliaires dont ils devraient, dans l’intérêt de l’agriculture, favoriser la propagation.
Ces rapaces sont, en effet, les vrais amis des cultivateurs, et, pendant que ceux-ci se repose des fatigues du jour, les chouettes sortent de leurs retraites pour veiller à la conservation des semences, objet de tant de soins et soucis.
Elles parcourent les champs, dévorent les souris, les mulots, les taupes, les gros insectes, et ne demandent pour toute récompense qu’un asile dans le trou d’un vieil arbre. Là, elles se réunissent quelquefois en grand nombre pour se réchauffer pendant l’hiver, et font entendre des cris sourds et prolongés qui effraient les habitants de la campagne et constituent le seul grief qu’on puisse reprocher à ces utiles serviteurs.
Chaque année, les naturalistes peuvent constater, d’une manière bien évidente, quels secours les rapaces nocturnes apportent à l’agriculture.
Que de fois, quand je revenais avec mes élèves de faire quelque course, ne me suis-je pas arrêté, sur les bords des fossés, dans les vastes prairies d’Ecouflant, pour jouir d’un spectacle très-curieux et qui se reproduit chaque année, surtout pendant les mois de juin et de juillet ! À peine les faucheurs ont-ils quitté le lieu de leurs travaux, qu’un petit cri se fait entendre, et bientôt un certain nombre de peupliers semblent surmontés d’un panache mobile, se développant et se resserrant tour à tour.

Ce sont des chouettes chevêches qui ont occupé leurs postes d’observation, et dont les ailes s’ouvrent et se referment selon les ondulations imprimées aux arbres par le souffle du vent. De temps en temps ce panache se détache de l’arbre, et se dirige, sans bruit et avec une grande rapidité, vers quelque point de la prairie. On dirait un flocon de neige emporté par une brise légère. C’est une chevêche fondant sur quelque mulot ou sur quelque gros insecte qu’elle a aperçu du haut de son observatoire.
Quand le travail des faucheurs est terminé, et que les faneurs ont formé, dans ces immenses prairies, les meules de foin, les chouettes chevêches abandonnent la cime des peupliers pour se rapprocher du théâtre de leurs investigations. L’on peut alors voir un très-grand nombre de ces meules surmontées d’un point brunâtre, qui tour à tour semble décrire une circonférence sur le haut de la meule ou rester immobile comme une sentinelle sous les armes. C’est toujours la chevêche accomplissant la mission que la Providence lui a confiée. »
Vous noterez qu’il parle d’un « très-grand nombre » de Chevêches dans un même champs. Peut-on estimer, de manière très approximative, ce nombre ? Il parle d’une « immense prairie » : prenons 10 ha ? Avec des Chevêches sur beaucoup de meules. En fait, combien de meules …de l’époque ? Comptons 2 tonnes de foin à l’ha ( à l’époque, maintenant c’est environ 3x plus) ? Donc 20 tonnes ? Combien pesait une meule ? Je dirai 100 kg-200kg environ ? L’abbé Vincelot avait donc peut-être 100-200 meules devant lui. Si il y avait une Chevêche par meule, cela me semble trop. Mais il y avait peut-être quand même une trentaine de Chevêches visibles à la fois. Actuellement on est très content si on voit… une seule Chevêche !
L’abbé Vincelot « Les noms des oiseaux expliqués par leurs mœurs ou Essais étymologiques sur l’ornithologie »
Tome 1, page 39 Elibron Classics
2005 facsimile of the edition published in 1872 by Pottier de Lalaine
